Le Monde, 31/06/2006.
Le patriarche orthodoxe de Moscou et de toutes les Russies, Alexis II, a
quitté Riga lundi après-midi 29 mai au terme de sa première visite
officielle en Lettonie. Pour les Lettons, cette visite de trois jours
dépassait largement le simple cadre pastoral, même si l'Eglise orthodoxe
russe, avec 300 000 fidèles selon le patriarcat, est la troisième
religion du pays derrière les Eglises luthérienne et catholique.

C'est en véritable homme d'Etat représentant officieux du pouvoir russe
qu'Alexis II, lui-même d'origine balte puisqu'il est né en Estonie, a
été reçu dans cette ancienne république soviétique dont les relations
avec Moscou sont souvent tendues. Alexis II avait été invité par la
présidente lettone, Vaira Vike-Freiberga, qui l'a reçu samedi au château
de Riga. /"Nous savons que cette Eglise est très proche du président
russe Vladimir Poutine et nous avons fait passer le message que la
Lettonie n'a pas de différend frontalier avec la Russie"/, a déclaré un
conseiller de la présidente.

La signature du traité frontalier entre la Lettonie et la Russie est
toujours en souffrance, fait-on remarquer à Riga, alors que la Lettonie
a renoncé depuis des années à récupérer le district d'Abrene, rattaché à
l'URSS en 1944. Ces 1 300 km² ont constitué un point de litige dans les
premières années qui ont suivi l'indépendance, en 1991. /"J'espère que
nous pouvons considérer la visite de Sa Sainteté Alexis II comme un
geste positif nous signalant que la Russie est prête à entamer le
dialogue"/, a déclaré le premier ministre letton, Aigars Kalvitis, qui a
rencontré le patriarche dimanche.

A Riga, on insiste sur le fait qu'Alexis II n'a pas évoqué de lui-même
la situation de la minorité russophone qui constitue la principale
source de dissension avec Moscou. Près de 30 % des 2,3 millions
d'habitants de la Lettonie sont d'origine russe, plus de 18 % des
habitants n'ont pas le statut de citoyen, et Moscou accuse régulièrement
la Lettonie, ainsi que l'Estonie voisine, de discrimination à l'égard de
ces Russes de l'étranger, qui devaient d'ailleurs être l'objet des
travaux d'une commission gouvernementale à Moscou ce 30 mai.

/"La présidente lettone a brièvement informé le patriarche des efforts
d'intégration de la minorité russophone, mais celui-ci n'a pas
commenté"/, dit-on dans l'entourage de Mme Vike-Freiberga. A Riga, on
espère maintenant que ce séjour soit annonciateur d'un "vrai" voyage
officiel russe puisque depuis l'indépendance, aucun haut responsable
politique russe n'a effectué de visite bilatérale en Lettonie.

*Olivier Truc*
Article paru dans l'édition du 31.05.06
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