VOYAGE EN ESTONIE
10 au 18 juin 2008
par Régine Pietra
C ontrairement à ce qu'un vain peuple pense, l'Estonie n'est pas un pays balte, mais l'un des pays riverains de la mer baltique. Arguties, dira celui qui ignore que l'estonien n'est pas une langue balte comme les autres (celle de la Lettonie et de la Lituanie sont d'origine indo-européenne) mais une langue d'origine finno-ougrienne. Ce petit pays à l'histoire tourmentée (que, pendant des siècles, Danois, Russes, Polonais, Suédois et Allemands voulurent s'approprier), indépendant seulement depuis 1991, on peut en faire le tour en 8 à 10 jours et tout savoir sur lui, ou à peu près. À condition d'avoir le privilège d'être guidé par l'une des plus grands spécialistes français de ce pays, Suzanne Champonnois, fort sympathique et généreuse, transmettant son savoir par une pédagogie oblative.
Au fur et à mesure de notre périple, nous avons donc fait connaissance avec l'histoire et la géographie de ce pays, à la température des plus clémentes (autour de 20°), au soleil permanent, au jour constamment limpide durant 20 heures, ce qui ne fut pas sans causer quelques désagréments aux petites natures.
Nous étions 18 âmes (et des corps solides, malgré les ans) la plupart féminines, mais les âmes masculines, en petit nombre, étaient les plus volubiles et les plus savantes, incarnées dans le corps d'un ingénieur, spécialiste des pétroles, par métempsychose, devenu un l'homme omniscient, ou dans celui d'un universitaire parlant tellement de langues qu'il en oubliait de prendre sa potion magique.
Tallinn, la capitale, fut notre point de départ et d'arrivée, non pas que nous ayons fait du sur place (louanges à notre chauffeur, dont la conduite fut d'une grande souplesse prudente) : c'est une ville, dans mon souvenir, bleue et rouge, dominée par d'élégantes flèches (celle de l'hôtel de ville est gardée par le Vieux Thomas) ou des dômes cossus (de la cathédrale Alexandre Newski).
Dans la ville haute, le premier soir, nous pûmes assister à un concert d'orgue dans cette église où de très hauts bancs ne laissent voir que la tête des participantes, afin que l'on ne soit pas distrait de ses réflexions pieuses par les vêtures des dames. Beau concert de Bach et d'œuvres contemporaines, ces dernières peu au goût de certains.
Après Tallinn, nous longeâmes la Baltique ; la famille Pahlens nous accueillit quelque temps en son manoir de Palmse, mais pour déjeuner c'est au manoir de Kolga que Pontus de la Gardie nous avait invités. Au Château de Rakvere construit par les chevaliers Teutoniques en 1253, nous eûmes droit à une reconstitution en pseudo-costumes d'époque.
Après ce haut Moyen-âge, il fallut à Narva, ville frontière, faire face au passé douloureux pour tout Estonien. Dans cette ville, si russe encore, nous saluâmes la statue de Lénine, reléguée dans un coin.
En descendant vers le Sud, arrêt au monastère de Pühtitsa, étonnant (entre autres choses) par l'art de disposer sous forme de très grands cônes la réserve de bois pour l'hiver Le long du lac Peïpous, nous nous devions d'évoquer nos souvenirs cinématographiques, car c'est là qu'eut lieu la célèbre Bataille d'Alexandre Newski contre les chevaliers teutoniques, bataille reconstituée en 1958 par le cinéaste letton, Eisenstein.
Moins historique, bien que plongé dans le passé, la rencontre de deux minorités, qui n'ont que peu à voir l'une avec l'autre : les Setus, tiraillés entre la Russie, dont ils parlent la langue et pratiquent la religion, et l'Estonie, leur lieu natal, se cherchent une identité que leur petit nombre et leur ruralité rend difficile à établir, quoique certains s'y efforcent. Le folklore les y aide et nous pûmes assister à certaines manifestations dansées en costumes de vives couleurs. L'autre minorité est assurément plus austère, celle des Vieux Croyants, dissidents de l'Eglise orthodoxe qui se disent " purs " et se préservent du monde extérieur voué à l'impureté : les hommes portent la barbe, les femmes un fichu et des jupes longues ; ascétisme du comportement moral de cette petite communauté à l'écart des errances du siècle.


Tartu, où nous fîmes escale, est une grande ville, célèbre par son université, fondée par le philologue Morgenstern. On admira la statue du Kristjan Jaak Peterson (XIXe), poète et philosophe, mais aussi bon marcheur, comme en porte témoignage le bâton qu'il tient en mains, évoquant le trajet qu'il parcourait pour aller de l'Université à Riga où il habitait. Plus véloce assurément que les statues de tortues qui, sur la place, détournent les automobilistes, tandis qu'à quelques pas un couple d'amoureux abrite sous une ombrelle le baiser volé.
Ce fut ensuite Otepaa et son hôtel, lové au creux de la forêt, installation des plus modernes, où nous avons failli perdre deux participantes, emprisonnées dans leur chambre, dont elles ne purent s'évader qu'en sautant dans la piscine, après avoir mêlé leurs sueurs froides aux vapeurs d'un sauna.
En route pour Parnu, capitale estivale de l'Estonie, en mer pour l'île de Saaremaa (il y a environ 1500 îles en Estonie), dans l'air avec les Éoliennes et les moulins, au fond de la terre à Kaali et son cratère de météorite. Au retour visite du cimetière où d'immenses pins sylvestres, défiant le ciel, veillent sur la mémoire des personnages célèbres d'Estonie : après la gloire, le repos bien mérité sous les hautes frondaisons.
Retour enfin dans la région de Tallinn, visite du Kadriorg, le parc et son musée.
Terminons de façon épique en évoquant l'épopée nationale estonienne, le Kalevipoeg, œuvre de Friedrich Reinhold Kreutzwald, médecin et écrivain, dont nous visitâmes la bibliothèque (le rangement en était étrange, le plupart des livres avaient la tête en bas ! ).
Toutes les bonnes choses ont une fin et il faut conclure, pour ne pas lasser, après s'être excusé des oublis : par exemple, le lieu de cette balade entre le sable et l'eau au terme de laquelle le jet d'un petit caillou sur un tas déjà imposant portait nos vœux qui, nous l'espérons, seront exaucés.
Bien des choses à signaler encore : l' église de Karja, la maison des trois sœurs, la plus vieille pharmacie d'Europe, la maison des têtes noires le monastère dominicain, etc. D'autres contributions se chargeront de compléter ce résumé . Aidake ind palun (en bon français pour ceux qui ignoreraient encore l'estonien : " aidez-moi, s'il vous plaît ").

Les Têtes Noires
signent la présence de La HANSE

Eglise de Karja
Ile de Saaremaa
Et, pour finir, gagnons l'amphithéâtre en plein air du "Champ aux chants", afin de joindre nos voix à celles de la " Révolution chantante ", puisque c'est en chœurs que les Estoniens résistèrent à l'oppression soviétique.
C'est en estonien qu'il nous faut remercier, notre guide et traductrice, aussi charmante que compétente : Aitäh ! c'est bref, mais du fond du cœur. Dire enfin que ce voyage n'aurait pu avoir lieu sans le dévouement exemplaire de la présidente à Grenoble de " Amitié Pays Baltes " Qu'elle trouve ici l'expression de toute notre reconnaissance.
Quelques images encore:

Oscar Wilde et Edouard Vilde
(écrivain estonien 1865-1933)

Kioske à boissons, Pärnu
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